Un garçon lit un livre. assurance maladie

Une entreprise familiale depuis
huit générations

Depuis 1761, la famille Elsener possède une coutellerie à Rapperswil, dans le canton de Saint-Gall. Huit générations y ont laissé leur empreinte. Aujourd’hui, cette grande tribu perpétue avec passion la tradition familiale. Nous lui avons rendu visite.

Trois générations de la famille Elsener devant leur maison, qui leur sert à la fois d'habitation, d'atelier de coutellerie et de magasin. Elles y vivent et y travaillent ensemble, en toute harmonie: grands-parents, parents et petits-enfants. «Observe bien, c’est comme ça qu’on apprend!» Ces paroles, Ruedi Elsener les a souvent entendues au cours de son apprentissage, effectué sous la tutelle de son père au sein de la coutellerie que détient sa famille depuis plus de 250 ans. Aujourd’hui âgé de 72 ans, il se tient à son établi, dans l’atelier installé dans la Kluggasse, à Rapperswil, où les prochains couteaux attendent de passer à la meule à eau pour être aiguisés.

«C’est sûr que faire mon apprentissage avec mon père n’a pas toujours été facile, mais il m’a beaucoup appris. Cependant, je dirais que ce qui m’a le plus apporté a été de transmettre à mon tour mon savoir à la génération d’apprenti·es suivante», nous raconte Ruedi. La famille Elsener continue d’utiliser des techniques traditionnelles, chose devenue rare en Suisse. Ici, pas de machines automatisées ni d’ordinateurs programmables: les quelque 12’000 couteaux produits chaque année sont aiguisés à la main. Au cours des décennies, Ruedi et son frère Felix, ainsi que leurs épouses, Marianne et Marietta – la septième génération de couteliers et coutelières de la famille Elsener – ont élargi les activités de l’entreprise en proposant des articles ménagers pour la cuisine et les plaisirs de la table et ont laissé une marque indélébile. À présent, ce sont leurs enfants, dignes héritiers et héritières de leurs valeurs et de leurs connaissances, qui ont repris le flambeau.

 

Transmission de savoir et de valeurs aux nouvelles générations

Philipp Elsener, 37 ans, fils cadet de Ruedi et Marianne, tient désormais les rênes de l’entreprise familiale avec sa sœur Cécile, 43 ans, et son frère Viktor, 42 ans. «Tout ce que je sais de l’aiguisage de couteaux, je l’ai appris de mon père. La coutellerie est une activité artisanale qui demande beaucoup de doigté. En tout, douze étapes sont nécessaires pour obtenir une lame bien aiguisée. Je continue à utiliser tous les jours les trucs et astuces qu’il m’a transmis», nous explique-t-il. «Même si travailler si étroitement avec mon père n’a pas toujours été évident, je lui dois énormément», poursuit Philipp, tandis que la meule à eau continue de tourner doucement. Entre les membres de la famille, nul besoin d’instructions pour que tout le monde se comprenne. «Nous avons pris exemple sur nos parents, notre oncle et notre tante. On ne nous a jamais imposé une façon de procéder», conclut Philipp. Et Viktor de confirmer: «Nous savons tout simplement ce qui va et ce qui ne va pas. Parce que c’est quelque chose que nous avons observé toute notre vie. Personne ne nous a jamais dit comment nous devions nous comporter vis-à-vis de notre clientèle: ça nous vient instinctivement!»

 

Un changement générationnel qui fonctionne

Viktor, le fils aîné de Ruedi et Marianne, se remémore le rôle qu’a joué son oncle Felix, qui est aussi son parrain. Sa femme Marietta et lui viennent encore de temps en temps donner un coup de main à la coutellerie et leur passion ne se dément pas. «Mon parrain m’a appris qu’un travail correct nécessite des processus clairs. Tout a sa place», explique-t-il. À peine a-t-il fini de parler que sa fille et sa nièce surgissent en courant dans l’atelier. Voir la nouvelle génération arpenter l’entreprise familiale est un vrai bonheur. «Les enfants passent leur temps ici et s’y sentent bien. Les clients et clientes les connaissent et font preuve de compréhension quand ma fille vient se blottir dans mes bras pendant que je les conseille. Et puis, elle nous prête parfois main-forte, en rangeant les articles par couleur dans les étagères», ajoute-t-il avec un sourire.

Pour les Elsener, une chose est sûre: la coutellerie est indissociable de leur vie familiale – et vice-versa. «Nous nous serrons tous et toutes les coudes», raconte Cécile, que nous retrouvons dans le magasin attenant à l’atelier. Derrière elle, des rayons de lumière jouent sur la surface polie des couteaux. «Ça a toujours été le cas, déjà quand nous étions enfants. Si l’un ou l’une d’entre nous a besoin de quelque chose, nous l’épaulons. Nous aussi avons passé notre enfance dans l’atelier, comme nos enfants aujourd’hui. Nous avions beaucoup de liberté et avons gagné notre indépendance rapidement. Aujourd’hui, nous avons bien sûr une autre perspective et faisons certaines choses différemment de nos parents. Nous avons aussi appris tôt que travailler à la coutellerie n’était pas une obligation. C’est comme ça qu’est organisée notre famille et chacun et chacune peut apporter sa pierre à l’édifice.»

 

Ce que les différentes générations peuvent s'apporter mutuellement

Mais la transmission de savoir n’est pas toujours à sens unique. Marianne Elsener, 73 ans, est la figure matriarcale de la famille. Dans la ruelle devant la coutellerie, elle explique: «J’ai beaucoup à apprendre des plus jeunes, notamment à ne pas toujours tout prendre trop au sérieux. Quand quelque chose m’énerve, je me demande: ‹Est-ce que ce sera encore important dans 100 ans?› Parfois, cela permet de relativiser et de se rendre compte que tout ne doit pas être toujours parfait.» Par contre, elle attend de sa famille ponctualité et application: «Dans ces domaines, nous avons toujours montré l’exemple. Et puis, l’humour a également son rôle à jouer, au sein de notre famille et de notre entreprise, mais aussi avec notre clientèle. Ce qui compte, c’est de tenir ses promesses. C’est quelque chose que je souhaite transmettre à mes enfants et petits-enfants.»

Après une promenade avec ses petits-enfants, Ruedi est de retour dans l’atelier. Attachant son tablier de travail marqué du logo familial, il se remémore l’époque où ses parents géraient l’entreprise. «La coutellerie était bien différente. Quand Felix et moi l’avons reprise, nous avons fait pas mal de changements. Et nos enfants font à leur tour les choses à leur façon», raconte-t-il avec un sourire. «Je vois le résultat: les affaires fleurissent, l’entreprise continue de croître. On ne doit pas toujours essayer de s’en mêler. Les enfants se débrouillent très bien et l’harmonie règne.» Maintenant qu’il est à la retraite, Ruedi n’a pas peur de trouver le temps long: «Je suis content de pouvoir aider à l’atelier quand il y a plus de travail. Sinon, je profite de mes petits-enfants.»

Dans la maison familiale de la Kluggasse, on ne s’ennuie jamais. Travailler et vivre chaque moment: tels sont les mots d’ordre de la famille Elsener. Les grands-parents jouent avec la jeune génération devant la coutellerie. C’est l’heure de faire une petite pause pour un goûter bien mérité. Dans l’atelier, les machines continuent de tourner.