Chagrin d’amour? Parlons plutôt de cœur brisé!

Mon cœur»: ce surnom affectueux, en apparence léger, dont nous affublons volontiers notre bien-aimé·e cache en réalité des profondeurs insoupçonnées. Il efface pour ainsi dire la délimitation entre «toi» et «moi». Notre tendre moitié devient une part de nous-mêmes. Si elle disparaît de notre vie pour une raison ou une autre, le désarroi nous gagne. Car ce qui nous manque finalement, c’est un organe des plus importants: notre cœur.

On parle alors communément de «chagrin d’amour», mais ce terme ne rend en rien justice à la complexité des sentiments des personnes affectées. Pire, il trivialise leur souffrance et laisse à penser que les peines de cœur ne méritent pas d’être prises au sérieux, invitant au passage des remarques comme «tu es triste, mais ça va aller». Les personnes touchées n’osent souvent pas évoquer leur douleur, dont elles ont presque honte. Le terme de «cœur brisé» traduit mieux leur état d’esprit. Et l’on en viendrait presque à envier à l’anglais le concept de lovesickness, que l’on retrouve certes dans la célèbre «Maladie d’amour» de Michel Sardou, mais qui n’est sinon pas très usité en français.

Du point de vue psychologique, les peines de cœur constituent un trouble de l’adaptation, une affection qui apparaît quand une personne a du mal à s’habituer à une nouvelle situation, par exemple une rupture. Les troubles de l’adaptation s’expriment à travers différents symptômes: état dépressif, tristesse, apathie, mais aussi anxiété, inquiétude et impression de ne pas pouvoir affronter le quotidien. On note également souvent des changements du comportement social et des signes physiques, comme une insomnie, une perte d’appétit, des maux de tête et d’estomac ou encore des diarrhées. Les troubles de l’adaptation peuvent perdurer plusieurs mois.

Cela peut paraître étonnant, mais les personnes les plus susceptibles de souffrir d’un cœur brisé sont les adultes. Les jeunes enfants ont, pour leur part, une aptitude surprenante à rebondir et à retrouver en un rien de temps un·e meilleur·e ami·e après une dispute avec un·e camarade. De même, après un déménagement, alors que leurs parents se font du souci, ils et elles tendent à s’adapter en un tournemain à leur nouvel environnement.

Quelques années plus tard, par contre, le changement est beaucoup plus difficile à vivre. L’adolescence est une phase compliquée, marquée par une transformation physique et psychique, durant laquelle les jeunes commencent à prendre leurs distances avec le cocon familial. C’est dans ce contexte volatil que naissent les premières amours. Avec leur petit·e ami·e, les adolescent·es peuvent parler de leurs problèmes et secrets les plus intimes. C’est souvent ensemble qu’ils et elles font leurs premières expériences sexuelles, forgeant un lien fort. La fin d’une relation à cette période peut provoquer une profonde crise émotionnelle et une perte de repères.

À l’âge adulte, les répercussions d’une rupture se font généralement ressentir dans de nombreux aspects de notre vie. Et si nous avons construit notre existence autour d’une relation, en faisant la condition sine qua non de notre bonheur, quitte à négliger amitiés, loisirs et carrière, il n’est pas rare que nous perdions pied et soyons durement affecté·es si elle prend fin.

Dans un premier temps, juste après la rupture, nous avons tendance à nous voiler la face, espérant contre toute attente une réconciliation. Ensuite, quand nous prenons conscience du caractère définitif de la séparation, c’est la douleur qui s’installe. Rage, tristesse, solitude, sentiment d’impuissance et désespoir peuvent nous accompagner pendant des mois. Après seulement pouvons-nous prendre un nouveau départ. Durant cette phase, nous assimilons ce que nous avons vécu, faisons le deuil de notre relation et réorganisons notre vie. Nous pouvons commencer à combler le gouffre créé par la rupture. Finalement, nous surmontons notre cœur brisé. Nos relations passées ne viennent plus grever notre nouvelle existence et nous pouvons à nouveau chercher le bonheur, l’esprit léger.