Cycle menstruel et sport de haut niveau: dans quelle mesure les hormones influencent-elles la courbe de performance?
Aujourd'hui encore, le cycle hormonal féminin est un sujet tabou et c'est bien dommage. Il vaut la peine d'en parler ouvertement pour que chacune puisse se sentir mieux, qu’il y ait une compréhension et une réflexion communes. Le sport de haut niveau, en particulier, aurait beaucoup à gagner à démystifier ce tabou. Dans cet article, nous nous intéressons à la meilleure manière de coordonner l’entraînement avec le cycle hormonal féminin et quels en sont les avantages.
Tout simplement
Chez les femmes, le cycle menstruel joue un rôle important.
Mélanie Pauli est une spécialiste dans ce domaine.
Elle explique comment adapter l'entraînement au cycle menstruel.
Les performances physiques dépendent de nombreux facteurs. Dans le sport d’élite, il est particulièrement important de les connaître et de savoir quelle est leur influence. Car ce qui compte finalement, c’est d’être au meilleur de sa forme le jour J pour obtenir de bons résultats.
Un équilibre reposant sur plusieurs facteurs
Le sommeil, l’entraînement, l'alimentation, les phases de repos sont quelques-uns des nombreux facteurs pouvant influer sur la courbe de performance d'un sportif ou d’une sportive. Faire en sorte que tout cela s’équilibre peut être assez délicat. Et dès qu’on y regarde de plus près, on se rend compte que chacun de ces facteurs peut se subdiviser en plusieurs sous-facteurs dont il faudra tenir compte également.
Prenons l'entraînement par exemple: il faut distinguer la préparation physique de l’entraînement ciblé sur la discipline choisie. Une joueuse de l’Académie de handball féminin CONCORDIA passe plusieurs heures par semaine à la salle de musculation pour préparer son corps à l'effort. Lorsqu'elle sera sur le parquet, elle peaufinera sa maîtrise des techniques de handball. Quand on parle de courbe de performance dans le sport de haut niveau, les solutions sont toujours individuelles, pensées sur mesure pour l'athlète en question.
L'influence du cycle hormonal chez les sportives
Les œstrogènes
Comment les athlètes féminines jonglent-elles avec tout cela et comment parviennent-elles à trouver un équilibre entre les entraînements et leur cycle hormonal? Et pourquoi la menstruation est-elle encore un sujet tabou de nos jours?
«Il y en a beaucoup! Lorsqu'on cherche à améliorer ses résultats tout en composant avec son cycle hormonal, on se retrouve comme en bas d'une échelle avec plusieurs échelons à gravir. L'optimisation des performances en est, à mon avis, le dernier. C'est la cerise sur le gâteau.
Commençons donc par le début, au premier échelon. Avant toute chose, il faut pouvoir en parler. D'où l'importance de détabouiser le cycle menstruel, en particulier les règles. Même s'il y a de plus en plus d'initiatives qui vont dans ce sens, c'est toujours la loi du silence qui prévaut.
Il faut prendre le sujet à bras-le-corps pour comprendre le fonctionnement de notre organisme avec ses fluctuations. Quelles sont les différences physiologiques et anatomiques entre une femme et un homme? Ensuite seulement, nous pourrons passer à la question suivante: comment ces différences se font-elles sentir dans le sport? La réponse dépendra toujours de la discipline pratiquée.»
«Une fois qu’il a été possible de briser la glace, vient le suivi du cycle menstruel. À ce stade, l'important est de collecter des informations et de les consigner soigneusement. Quand on veut modifier quelque chose, il faut pouvoir se baser sur des données objectives. Il existe aujourd’hui des applications de suivi du cycle, mais il est bien sûr possible de procéder à l'ancienne en tenant un carnet de bord où l'on notera quand commence le cycle, sa durée, etc.
Pour beaucoup, cycle menstruel égale règles (saignements). En réalité, un cycle ne se résume pas uniquement aux menstruations: il dure du jour où commencent les saignements jusqu'aux prochaines règles. Toute cette période constitue un cycle. Sur combien de temps s'étale-t-il? Combien de jours dure la menstruation? Mon cycle est-il régulier? Quel est mon ressenti à quelle phase du cycle?
Il faut compter environ trois mois de suivi jusqu'à ce que l'on commence à comprendre quelles fluctuations interviennent à quelle période. Ce suivi est un moyen d'apprendre à se connaître.
Prenons l'exemple des troubles du sommeil. Plusieurs facteurs peuvent en être la cause: suis-je stressée? Est-ce que ce sont vraiment la compétition ou le match de demain qui m'empêchent de dormir? Ou cette nervosité n'intervient-elle pas plutôt toujours au même moment de mon cycle? Si la réponse à la dernière question est affirmative, on peut partir du principe que les insomnies sont liées aux fluctuations hormonales.
Ce suivi du cycle constitue un bon outil pour identifier la cause de l'un ou l'autre état émotionnel. Il permet aussi de déceler les hauts et les bas et d'aviser en temps voulu. Il y aura peut-être des ajustements à faire, mais une certaine continuité pourra être assurée.
En fin de compte, le suivi m'aide à m'entraîner plus intelligemment au jour le jour puisque je m'écoute davantage et que je me connais mieux.»
L'aménorrhée
«Il est aussi possible de souffrir du syndrome prémenstruel même lorsque les règles sont régulières.
On commence donc par faire une constatation, avant d'en identifier (ou d'en écarter) les causes probables. Ces observations sont essentielles, car elles servent de fondement pour élaborer une stratégie, que celle-ci soit individuelle – taillée sur mesure – ou qu’elle repose dans un premier temps sur des connaissances scientifiques de portée générale.
Nous avons la chance aujourd'hui – une chance balbutiante, mais en constante progression – que des études soient menées avec des femmes. Les résultats de ces recherches nous permettent de mieux comprendre ce qui se joue à quelle phase du cycle. Grâce à cela, il devient possible d'apporter un soutien aux sportives et de mettre en place des mesures pour qu'elles se sentent mieux dans leur corps. Toujours dans un but précis, que l'on pourrait résumer ainsi: lorsque je me sens mieux, je peux aussi donner davantage et mes performances s'en trouvent améliorées.»
SPM
En parler, faire un suivi, définir une stratégie – puis la mettre en pratique?
«Une fois qu’on a réfléchi à une stratégie vient l’étape de l’optimisation des performances. La question qui se pose ici est de savoir si la stratégie va être déterminée en fonction du cycle ou juste orientée sur celui-ci.
Dans le premier cas, le plan d’entraînement est vraiment adapté au cycle. En d'autres termes, c'est ce dernier qui détermine quels seront les exercices à effectuer: l’entraînement et son contenu sont choisis en fonction des variations hormonales.
Dans le deuxième cas, le cycle donne simplement une orientation. C’est souvent ce modèle qui est choisi dans les sports d’équipe, où il est plus complexe d’établir un plan d’entraînement individuel. Dans ce scénario, on se base sur des connaissances scientifiques tout en tenant compte de l'état général des joueuses.
Ces deux formes d’entraînement ont des effets positifs.
Le simple fait de me sentir mieux, parce que ma stratégie me convient et qu’elle est adaptée à mon ressenti, me permet d’atténuer certains troubles. Grâce à cela, je me sens plus forte mentalement. Chaque sportive et sportif le sait: lorsque je me sens mieux, mes performances sont aussi meilleures. Et finalement, voilà en quoi consiste pour moi l’optimisation des performances.
À ce jour, nous n’avons néanmoins pas pu en quantifier les effets scientifiquement. Nous ne pouvons pas certifier qu’avec un entraînement orienté sur le cycle les performances en seront améliorées de 20 % par exemple. Il faut dire que 96 % des études portant sur les performances sportives, telles que la conception de l'entraînement et l'entraînement en lui-même, la récupération et l'alimentation ont été abordées sous l'angle de la physiologie masculine. Peut-être que d’ici cinq ou dix ans, la recherche nous permettra d’en savoir plus sur les aptitudes physiologiques chez les femmes.»
«Personnellement, je travaille avec trois niveaux: activation et prévention, récupération, nutrition (alimentation). Pour chaque niveau, il y a différentes stratégies et mesures possibles.
Il peut par exemple s’agir de tirer profit ou de réduire le SPM ou certaines tendances observées. On associe en général les variations hormonales à des effets négatifs, mais il est possible de les exploiter pour en faire une stimulation supplémentaire. Voilà ce que nous pouvons individualiser. Une sportive réagira différemment aux stimulations à l’entraînement selon la phase du cycle dans laquelle elle se trouve.
Le planning peut être défini d'entrée de jeu en fonction de la charge d'entraînement. Cela implique de ne pas être dans une approche réactive, mais de planifier les exercices en amont de manière réfléchie. L’endurance, l'entraînement musculaire ou neuromusculaire peuvent très bien être personnalisés pour se rapprocher d'un entraînement en fonction du cycle. Encore une fois, il faut repenser l'entraînement en fonction des différentes phases hormonales – et non s'astreindre à un entraînement classique avec des modules prédéfinis, comme on nous l'apprend généralement. En ce qui concerne le volume total et le suivi de l'entraînement, l'approche s'apparente davantage à celle d'un entraînement orienté sur le cycle.
Ainsi, nous avons une certaine latitude pour modifier ou ajuster plusieurs choses même dans les sports d’équipe. Cela implique toutefois d’y consacrer du temps et des ressources. C’est pourquoi il faut absolument se concentrer sur les éléments qui font la différence et sur lesquels nous pouvons agir.
S'intéresser au sujet, se former, approfondir la réflexion est indispensable, surtout lorsqu'on est entraîneur ou entraîneuse. Pour que cela marche, il faut que chaque membre du staff d'entraînement soutienne cette démarche et fasse preuve d’ouverture d’esprit. Certes, les connaissances acquises forment une bonne base. Il n’en reste pas moins que lorsqu’on côtoie des athlètes femmes, certains éléments doivent être repensés.»
«Ils et elles doivent être à l’écoute, instaurer un climat de confiance avec les joueuses. Celles-ci doivent sentir que le sujet a toute sa place et qu’il sera abordé avec l’attention qu’il mérite. Il peut être utile de travailler progressivement sans chercher à tout mettre en place d’entrée de jeu. Pourquoi ne pas essayer d’amorcer une discussion avec toute l’équipe dans un premier temps? Ensuite, les joueuses peuvent commencer à noter les données sur leur cycle et ainsi se familiariser petit à petit avec cette approche.
En tant qu’entraîneur ou entraîneuse, il faut savoir qu’une joueuse peut réagir d'une tout autre manière à un feed-back selon la phase du cycle dans laquelle elle se trouve. Il peut arriver par exemple qu’une remarque soit prise personnellement, ce qui a un impact sur le mental dans le sport professionnel. Et, c'est un fait, l’état d’esprit a une influence sur les performances. Pour que l’équipe se sente en confiance, il faut avoir conscience des effets que peuvent avoir nos actions et notre attitude en tant qu'entraîneurs ou entraîneuses.»